En quoi crocheter des mandalas de laine peut-il constituer une « thérapie » ? Quel genre de thérapie et pour quels effets ?
Pour répondre à cette question il faut s’intéresser à ce qu’est la santé en général et aux facteurs qui peuvent avoir un impact négatif sur elle.
Pour la médecine, la santé se définit par l’absence de maladie. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a, quant à elle, inscrit au préambule de sa constitution en 1946 que « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité ».
Mais le « bien-être », c’est quoi au juste ?
À la différence du plaisir (sensation liée principalement à la production de dopamine) ou du bonheur (état émotionnel lié à la production de sérotonine), le « bien-être » n'a aucune définition concrète et ne peut être évalué que de manière subjective.
Le bien-être serait une « disposition agréable du corps et de l'esprit ».
A niveau physique, le bien-être est conditionné à la satisfaction des besoins primordiaux du corps, nourriture, habillement, logement, chauffage, confort matériel, visuel, olfactif, etc...
Au niveau psychologique, il peut provenir de perceptions ou satisfactions diverses, émotionnelles, sentimentales, financières, professionnelles, etc...
Le bien-être est un ressenti, c’est donc une évaluation personnelle et personne d’autre que nous-même, ne peut présager de notre état de bien-être.
Lorsque nous éprouvons du bien-être, notre système nerveux parasympathique permet au corps de se régénérer, de s’auto guérir. En temps normal, par exemple, notre système immunitaire lutte contre les virus et les bactéries, et a également la capacité de détecter et de détruire les cellules de notre corps qui dégénèrent et qui peuvent devenir cancéreuses. Nous sommes équipés génétiquement pour cela. Mais lorsque nous commençons à ne pas nous sentir bien dans notre vie, à quelque niveau que ce soit, nous nous éloignons de la santé, et apparaissent des conditions propices à l’apparition de la maladie, en un dérèglement des mécanismes d’autorégulation du corps. Des soucis au travail, du stress, une mauvaise alimentation, des troubles du sommeil, le manque d’exercice physique, des problèmes de couple, peuvent créer en nous un déséquilibre tel que nous ne parvenons plus à rester en bonne santé.
Nous en savons aujourd’hui un peu plus sur les mécanismes qui conduisent à l’apparition des maladies, notamment grâce à l’épigénétique. Cette discipline étudie les facteurs environnementaux qui influencent l’expression des gènes contenus dans notre ADN. Dans son livre, « La symphonie du vivant : Comment l'épigénétique va changer votre vie », Joël de Rosnay nous explique que, nous avons découvert récemment que notre santé n’est pas uniquement déterminée par notre patrimoine génétique, mais que les gènes contenus dans notre code génétique vont s’exprimer différemment selon notre environnement. Il serait même possible de transmettre à notre descendance des caractères génétiques acquis.
Seulement 15 % du code génétique contenu dans notre ADN sert à exprimer des gènes utiles au fonctionnement de nos cellules pour produire des enzymes et des protéines. Les 85 % restant ont longtemps été désignés sous le nom « d’ADN poubelle » et considérés comme des vestiges inopérants de nos ancêtres, accumulés au cours de l’évolution. Or, cet ADN produit, en fonction du contexte, des molécules qui vont agir comme des clés permettant ou non l’expression des 15 % de nos gênes « utiles ».
Cinq facteurs principaux ont un impact sur l’expression de notre patrimoine génétique, il s’agit de l’alimentation, de la pratique d’une activité physique régulière et modérée, du stress, des émotions positives dues au fait de faire des choses qu’on aime dans la vie, et de la sécurité que procure un réseau social et familial sur lequel on peut s’appuyer.
Concernant l’alimentation, on peut prendre comme exemple celui des larves d’abeilles qui naissent toutes avec un patrimoine génétique identique, mais qui deviennent des reines si elles sont nourries à la gelée royale ou des ouvrières dans le cas contraire. On comprend bien dans ce cas l’impact de l’alimentation, qui va ou non permettre à certains caractères génétiques de s’exprimer.
Il a été prouvé que le stress agit directement sur les chromosomes et en accélère le vieillissement. A l’extrémité des chromosomes, se trouve une sorte de « capuchon » appelé télomère qui se raccourcit à mesure que les cellules vieillissent. Des télomères courts, donc des chromosomes altérés, augmentent le risque de contracter des maladies liées à l’âge.
Chez des mères stressées de façon chronique on a constaté un raccourcissement prématuré des télomères correspondant à des personnes plus âgées de 9 à 17 ans. Des chercheurs de l’université du Michigan ont constaté que les télomères d’enfants vivant dans des conditions difficiles sont plus courts de 19 % par rapport à des enfants vivants en milieu favorisé. Ceux dont les mères ont fait des études supérieures ont des télomères plus longs de 32 % et ceux vivant dans des familles stables ont des télomères de 40 % plus longs que des enfants vivants dans une cellule familiale déstructurée. Le responsable pourrait être le cortisol, l’hormone du stress libérée par les glandes surrénales, qui interagit avec l’enzyme chargée de l’entretien des télomères. Il a été constaté que lorsque le niveau de stress diminue, la longueur des télomères augmente.
Le stress chronique agit également sur l’ADN des cellules de la zone cérébrale qui gère les émotions, l’hippocampe. Des molécules méthyles bloquent l’expression des gènes des récepteurs aux corticoïdes, permettant de réduire le taux de cortisol dans le sang. Chez des bébés rats délaissés par leur mère, on a constaté des taux de cortisol élevés, les rendant particulièrement sensibles au stress, perpétuellement angoissés, souffrant de troubles de la mémoire et de symptômes dépressifs. La même observation a été faite chez des personnes décédées par suicide et ayant subi des traumatismes importants dans leur enfance. De plus, il semblerait que ces anomalies puissent se transmettre au bébé par les femmes dépressives ou anxieuses pendant leur grossesse. Les nourrissons présentent à la naissance un marquage épigénétique anormal sur le gène de récepteur aux corticoïdes, avec un taux de cortisol élevé qui les rend particulièrement sensibles au stress.
Toutes ces observations sont en fait de très bonnes nouvelles, car si le corps réagit à la pression extérieure, cela signifie que nous pouvons améliorer les choses en diminuant cette pression par des prises en charge. Les effets du stress peuvent donc être inversés par l’alimentation, l’activité physique, la relaxation, par exemple.
Cette révolution de la biologie ouvre des possibilités extraordinaires car elle nous donne des outils pour maintenir ou améliorer notre santé, à titre individuel mais aussi collectif. Nous ne sommes pas uniquement victimes de la génétique et pouvons agir sur les facteurs de notre environnement qui ont un impact sur notre santé. En attendant que ces informations soient intégrées collectivement et aient des répercussions sur les modes de vie de nos sociétés, nous ne pouvons agir qu’au niveau individuel. Pour favoriser le bien-être et donc se maintenir en bonne santé, chacun peut trouver la méthode qui lui convient.
Crocheter des mandalas de laine est une technique parmi d’autres, qui va agir sur notre bien-être physique grâce aux bienfaits de la pratique du crochet et sur notre bien-être psychologique grâce aux propriétés des mandalas.
En ce sens, la mandalaina thérapie est une méthode curative permettant de maintenir un état de bien-être physique, mental et social, afin de prévenir l’apparition de maladie.
Mais dans le cas où notre santé s’est altérée, malgré tout, et que nous devions faire face à la maladie, ou si nous devons affronter des situations difficiles dûes à des traumatismes divers, anciens ou récents, la mandalaina thérapie peut aussi nous aider à enclencher un processus de résilience.
Ce concept de résilience a été popularisé par Boris Cyrulnik, éthologue, neuropsychiatre et psychanalyste à travers son ouvrage « Un merveilleux malheur » qui appréhende la résilience
comme vecteur d’espoir. En partant de sa propre expérience et de l’observation de divers groupes d’individus (survivants des camps de concentration, enfants des rues boliviennes), il a démontré
que l’on pouvait aborder la psychologie et la psychanalyse de façon plus optimiste et moins
stigmatisante.
Le malheur peut être perçu comme une étape qu’il est possible de surmonter.
Il n’est pas question, cependant, de sombrer dans le dolorisme, ni dans une caricature de psychologie positive, qui tendent à faire passer la souffrance comme positive et permettant de « devenir meilleur ». Aucune souffrance n’est souhaitable ou justifiable et aucun malheur ne doit être considéré comme utile ou bénéfique. Ce genre de raisonnement ne sert qu’à cautionner la cruauté sociale contre ceux dont la vie est dévastée, entretenir l’individualisme, les inégalités et l’irresponsabilité collective.
Comme l’a si bien expliqué le philosophe Ruwem Ogien dans son ouvrage « Mes mille et une nuits », non, ce qui ne nous tue pas ne nous fortifie pas. Cela nous abîme et nous laisse dans la plupart des cas considérablement plus faible. L’aphorisme de Nietzshe, « ce qui ne nous tue pas nous fortifie » asséné à tort et à travers a, en effet, « un côté bêtement optimiste, répugnant aux yeux de tous ceux dont la vie est précaire, marquée par des échecs et des peines profondes. Elle tend à culpabiliser tous les défaitistes en pensée, tous ceux qui n’ont pas la force ou l’envie de surmonter leur désespoir ».
Elle dédouane en quelque sorte la société de sa responsabilité de soutenir ses membres les plus faibles et de prendre soin de l’environnement dans lequel nous vivons tous, interdépendants les uns des autres.
Si la résilience est possible, elle n’est ni systématique, ni obligatoire. Etre résilient n’est pas un devoir moral envers soi-même. Ce n’est pas non plus une marque de courage, ni une qualité humaine admirable, ni une vertu. C’est juste parfois possible…
Selon les spécialistes, l’attitude résiliente est dynamique et passe par plusieurs phases de défense pour contrer les trajectoires négatives.
Une personne résiliente passe par une révolte et un refus de se sentir condamné au malheur. Viennent ensuite le rêve et le défi, c’est à dire le souhait d’atteindre un objectif pour sortir d’un traumatisme. On note aussi l’attitude de déni, qui consiste à se créer une image de personne forte afin de se protéger de la pitié de l’entourage, même si une fragilité intérieure demeure. Enfin l’humour : un résilient a tendance à développer une forme d’autodérision face à son traumatisme. Une manière de ne pas se complaire dans la tristesse et de cesser d’être exposé aux yeux des autres comme une victime de la vie.
Nombreuses sont les personnes résilientes qui entrent dans une phase de création (écriture, dessin, et crochet pourquoi pas ?) pour exorciser le malheur, sortir des sentiers battus et marquer consciemment ou non leur différence. Mais c’est aussi en raison d’un besoin impérieux de faire une activité qui a du sens pour elle-même, et ne plus perdre son temps à porter un masque pour s’intégrer dans un système devenu incohérent et néfaste pour son propre équilibre. La maladie oblige souvent à mettre un terme à une activité professionnelle et à se poser la question de quoi faire du temps qu’il nous reste. Lorsque l’énergie et le « temps de cerveau » que l’on consacre habituellement à un effectuer un travail pour gagner sa vie, deviennent disponibles, il arrive qu’on soit alors en mesure de porter attention à nos intuitions et qu’on trouve une manière de les utiliser dans un but créatif. C’est aussi parfois, en raison d’une incapacité physique ou psychologique d’occuper un emploi conventionnel de type salarié, que certains résilients se tournent vers une activité indépendante basée sur la création. Ce n’est pas forcément un choix. C’est parfois de l’ordre de l’instinct de survie.
En écrivant ce livre et en réalisant les mandalainas que vous pourrez y trouver, j’ai sans doute expérimenté, sans le savoir, ces différentes phases, durant et après ma maladie. En les partageant, j’espère qu’ils pourront être utiles et pourront si possible aider quelques personnes à mettre en œuvre un processus de résilience personnel. Mais comme je l’ai signalé en introduction, ce livre ne doit pas être considéré comme un témoignage sur les bienfaits ou une quelconque utilité de la maladie.
Je vais simplement tenter de vous expliquer comment la pratique du crochet permet de se relaxer, de se donner des défis, de créer, de rêver, de s’exprimer, de se valoriser, et se recentrer pour se reconstruire et retrouver une place dans la société en se mettant à l’écoute de notre intuition.
Dans cette première partie, je vous propose de découvrir les bienfaits de la pratique du crochet et vous exposerai comment les mandalas et les symboles liés à la géométrie sacrée, peuvent agir sur le bien-être. Enfin, nous verrons comment la mandalaina thérapie peut s’intégrer dans le champ de l’art thérapie.
(Extrait du livre "Mandalaina thérapie" de Nathalie FAURITE à paraître prochainement)
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